Talk-show avec Anthinéa et Teodora

Anthinéa, on se connaît depuis presque six mois déjà, nous nous sommes rencontrées à Baia Mare lorsque tu es arrivée en Roumanie. Qu’avons-nous fait le premier jour?

La première fois qu’on s’est vu à Baia Mare, nous avons mangé ensemble dans un restaurant typique, ensuite tu m’as fait goûter de la palinka dans ta maison et nous avons aussi visité la ville.

Hanul Ignis
La palinca qu’on met dans des bouteilles en plastique

Haha oui, c’est vrai, chez les Roumains on commence toujours avec un petit verre de palinka. Pour ceux qui ne connaissent pas ce terme, la palinka est une eau-de-vie traditionnelle à double distillation qu’on produit surtout en Hongrie et en Transylvanie.

Donc tu as choisi un projet de volontariat en Roumanie et moi en France. Je crois que pour nous deux c’est la première fois que nous voyageons dans ces pays, n’est-ce pas? Que savais-tu de la Roumanie avant?


Oui, c’est la première fois que je visite la Roumanie. Malheureusement j’avais une image très négative de ce pays. En France (et ailleurs je suppose), beaucoup de stéréotypes renvoient l’image d’une population pauvre, voleuse et donc repoussante.

J’avais l’optique de partir dans d’autres pays : Irlande, Angleterre, Argentine… Je ne pourrais pas expliquer cette préférence. Finalement j’ai été attirée par le sujet de ma mission : « célébrons l’héritage européen », avant de prêter attention à la destination.

Je comprends parfaitement ces préférences. J’ai passé deux mois à Dublin et deux mois à Londres et j’ai été ravie. Argentine pas encore, mais je partage ce désir avec toi. Qu’attendais-tu de la Roumanie, de la culture et du projet européen ? Tes attentes ont-elles été satisfaites ?

J’ai envoyé ma candidature au début du mois d’août et je suis arrivée le 2 septembre en Roumanie. Du coup, il y avait un peu de paperasse à faire, réserver un vol sans retour, préparer ma valise… Et surtout j’avais un travail saisonnier dans un centre d’interprétation 14-18. Je me suis toujours dit que je verrais une fois sur place. Je n’ai pas voulu m’imaginer une fausse réalité. Auparavant, j’ai eu l’occasion de visiter la Bulgarie avec mes parents et la Hongrie quelques jours toute seule, je pensais que la culture roumaine devait être un croisement entre ces pays.

Depuis la première semaine où je suis arrivée, ce pays est bien loin de l’image que l’on peut en faire. Les roumains sont très serviables (il a des exceptions mais comme partout). Ils sont toujours prêts à vous aider malgré la barrière de la langue. Et à ma grande surprise, les enfants apprennent le français à l’école ! Parfois j’ai quelques difficultés à comprendre le pays. Je réalise une mission de volontariat, en compensation je reçois de l’argent pour me nourrir et je suis logée gratuitement. Je me sens intégrée dans ce pays, mais j’y suis pour une période donnée, je profite de découvrir la Roumanie durant les week-ends. Certaines personnes pensent que je suis en vacances, et que j’ai une belle vie contrairement aux locaux. Cela est peut-être vrai, mais j’essaie un maximum de m’impliquer dans les coutumes locales confirment cette idée. Je sais que la Roumanie est ancrée dans la tradition. Mais en même temps, la jeunesse est très moderne (sortie, maquillage, réseaux sociaux). Il y a aussi une grande distinction entre la ville et la campagne. Je sais que la Roumanie est très critiquée pour son aspect financier. Beaucoup de Roumains quittent le pays pour saisir une nouvelle chance. Certains d’entre-eux reviennent après plusieurs années pour bâtir une maison et continuer leurs vies.

Oui, ceci est un grand problème pour les Roumains. Bien sûr, il y a des gens qui partent dans des pays étrangers qui s’intègrent et qui s’y sentent à la maison mais je pense que la majorité des Roumains partent pour gagner beaucoup d’argent dans une période plus courte qu’ils le faisaient dans leur pays, pour en envoyer à leurs familles qui sont restées en Roumanie. Et oui, cette catégorie de personnes toujours rentrent à un moment donné en Roumanie. Cela ne fait que quatre mois mais néanmoins, as-tu déjà eu l’impression que la motivation pour le projet t’échappait ?

Pour être honnête, j’ai eu deux fois cette impression. Mes parents et ma sœur sont venus début novembre me rendre visite. Après leur départ, la semaine fût assez compliquée. Bien que mon anglais se soit amélioré, revenir à celui-ci après quelques jours non-stop dans ma langue natale à provoquer de la frustration. J’ai eu tendance à voir que les choses négatives. Mais heureusement cela n’a pas duré très longtemps. Mais je pense que cela fait partie du processus, et ce n’est pas grave de ne pas se sentir bien. L’autre fois a été beaucoup plus passagère. Nous avons un projet personnel à accomplir. Pour ma part, j’ai choisi en accord avec les coordinateurs, un atelier consacré aux peintres européens durant six semaines chaque vendredi pendant une heure. La première heure consacrée à Claude Monet s’est très bien passée, tandis que les deux autres sessions (Mondrian et Michel Ange) furent vraiment plus compliquées. Avec une amie parlant roumain nous nous rendons en autonomie dans le village, le matériel peut être lourd, il fait assez froid et nous devons attendre longtemps le bus. Et une fois arrivées, les enfants ne nous écoutent pas vraiment et sont turbulents. Une fois, nous n’avons pas eu le temps de terminer toutes les activités. J’étais vraiment triste, mais j’ai compris qu’il fallait s’adapter aux enfants et pas l’inverse. C’est après cette séance où j’avais le moral dans les baskets, j’avais l’impression que le bénéfique était uniquement pour moi, alors que c’était loin d’être mon but. Après un temps de réflexion et une discussion avec un ami, j’ai compris que ce n’était pas l’ensemble de la classe qui est perturbatrice et même si ces leçons ne restent qu’une initiation à l’histoire de l’art, je suis contente d’apprendre des nouvelles choses aux enfants.

Première classe de l’atelier des peintres (reproduction d’un tableau de Claude Monet)
Deuxième classe (inspiration Piet Mondrian)
Troisième classe avec Michel Ange
Quatrième classe, Vincent Van Gogh
Visite de l’école d’art de Baia Mare
Création d’un puzzle avec les enfants lors d’une séance dans une école

J’aime beaucoup ton initiative Anthinéa. Mélanger l’art avec l’histoire. Même si les enfants n’apprendront pas à peindre, ils auront la culture générale enrichie. Et les autres volontaires? Quelle est ta relation avec eux?

Je pars dans un mois, tandis que tous les autres restent jusqu’en mai (nous n’avons pas les mêmes contrats et sujets). J’appréhende beaucoup, nous sommes devenus très proches ! Je suis contente de pouvoir aller avec eux de nouveau à Bucarest pour le middle training (réservé normalement aux volontaires réalisant un projet de plus de six mois). Nous passons réellement tout notre temps ensemble, le soir, les weekends, un anniversaire, les fêtes de fin d’année, il y a toujours une occasion pour se voir. Je peux les remercier d’avoir été patients avec moi lorsque je ne comprenais pas l’anglais (cela arrive encore).

Réveillon de Noël

Ah mais c’est super! Pour ma part, mon projet à Nevers n’implique pas beaucoup d’autres volontaires, mais au premier training à Narbonne j’ai rencontré beaucoup de jeunes que, au fil du temps, j’arriverai à vraiment considérer des amis, je pense. Concernant ton programme de volontariat, une fois le projet terminé, te voyais-tu retourner en Roumanie au fil des ans?

Oui je le souhaite sincèrement, ce pays m’a vraiment touchée par la gentillesse des Roumains. Et je suis sûre qu’il y a encore plein d’endroits à visiter. J’espère aussi pouvoir revenir au printemps pour revoir mes amis.

Et ta famille ou tes amis t’ont-ils rendu visite ou prévoient-ils de le faire ? Que pensent-ils du projet ? Te soutiennent-ils ?

Ma famille est venue début novembre. Nous avons loué une voiture et visité la Transylvanie: les mines de sel de Turda, Sibiu, le château de Dracula, Brașov, Sighișoara, et Cluj-Napoca. C’est moi qui ai choisi cet itinéraire, je voulais leur montrer le plus possible le pays où j’habite, et leur montrer que leurs idées préconçues étaient fausses. Ils n’ont pas vu Baia Mare mais mon intention a fonctionné, ils ont trouvé les gens serviables, le paysage impressionnant, moins vallonné que dans les Maramureș mais vraiment joli. C’était vraiment super de partager ce voyage avec eux. Il est vrai que lorsque j’ai annoncé mon projet de partir à l’étranger, ils ont été inquiets mais ils savaient que c’était en Europe cela était rassurant pour eux. Concernant d’autres remarques de ma famille et amis, j’aurais aimé qu’ils viennent aussi afin d’arrêter de juger à tous vents!

Photo avec ma famille devant le château de Dracula (près de Brasov)

Je suis d’accord, premièrement il faut visiter et après faire nos propres opinions. Au fil des années, j’ai rencontré beaucoup d’étrangers en Roumanie, mais surtout des Français et ils m’ont tous dit qu’ils aimaient vraiment ce pays imprégné de tradition. Et le peuple roumain? Comment le trouves-tu général?

Aujourd’hui, je me suis rendue chez Kaufland pour chercher de la poudre d’amande, ne trouvant pas j’ai demandé à l’accueil. Pendant quinze minutes, une employée a cherché avec moi (en vain), nous ne parlions pas la même langue mais elle fut vraiment très gentille avec moi. J’ai plein d’autres exemples en tête, quand je prends mes billets de bus, quand je vais acheter des écouteurs, ou pendant la visite d’un musée (où le monsieur a dû allumer les lumières uniquement pour moi). Je regrette un peu que mon vocabulaire soit si restreint, j’aurais aimé échanger plus avec eux.

Je t’ai dit quand s’est rencontré la première fois que les Roumains aiment beaucoup les touristes, surtout dans les villages et les petites villes. Mais je crois que c’est le cas de toute l’Europe de l’est. Et les traditions et la nourriture ?

La baguette fraiche, la raclette, et le fromage me manquent beaucoup, mais je dois avouer que la nourriture ici est tout aussi bonne. Il faut juste oser goûter ! Il y a beaucoup de soupe, de viande, de légumes. Je pense notamment au mamaliga, mici, et papanasi. Les traditions sont très présentes notamment durant les fêtes de Noël, le pays est très croyant.

Dans les rues de Baia Mare
Randonnée à Creasta Cocosului

Du coup, tu as passé les vacances de Noël en Roumanie, n’est-ce pas?

Oui, j’ai décidé de rester en Roumanie pour les fêtes de fin d’année étant donné que je pars dans un mois. Après quelques péripéties (courses de Noël, panne de gaz), nous avons passé un super Noël. Nous étions cinq volontaires à rester, deux amis nous ont rejoint. Nous avons mangé une tartiflette (difficile de trouver le fromage adéquat ici), une salade faite par Ida, un gâteau réalisé par Dinija. Nous avions pris la décoration du bureau pour avoir un arbre de Noël. Durant la soirée, Dinija nous a appris à confectionner des bougies, coutume dans son pays pour éloigner le mauvais sort et prédire que de la positivité. Pour la fin de soirée, nous sommes sortis en club, soirée inédite pour un Réveillon. Le 25 décembre, nous avons joué à des jeux de sociétés. Le programme pour la fin de la semaine : de la patinoire, faire un tour de grande roue, musée d’art et planétarium.

Repas de Noël
Réveillon de Noël en compagnie de 6 autres volontaires

Ah oui, cinq nationalités dans l’appartement, n’est-ce pas? Le Danemark, l’Allemagne, la France, la Lettonie, et L’Azerbaïdjan. Donc toutes les deux, nous avons passé le Noël dans un pays étranger, toi en Roumanie, moi aux Pays-Bas. Quelques dernières impressions? Peut-être concernant ton futur parcours professionnel?

C’est la première fois que je travaillais avec des enfants, je ne connaissais pas réellement la méthode à avoir, ni le comportement. Maintenant cela va beaucoup mieux, et je suis contente de cette expérience pour cela.

Les enfants imaginent la suite d’un tableau célèbre (dans un village proche de Baia Mare)

Concernant mon avenir professionnel, je suis sûre de moi maintenant, je veux retourner à l’Université faire un master dans le domaine culturel. Vivre dans un autre pays durant quelques mois change forcément nos points de vue et nos intérêts mais je suis réellement reconnaissante d’avoir pu le faire.  C’est pourquoi, j’ai fait mon premier tatouage ici, pour toujours me souvenir de ces mois.

Oradea en décembre

— photos – courtesy of Anthinéa R.